Le stockage de l’électricité sous forme d’hydrogène : quelle pertinence dans le mix de stockage intermittent ?

Le développement salutaire des énergies renouvelables provoque une problématique croissante de synchronisation entre l’offre et la demande, posant la question du stockage.
Dans ce contexte, l’hydrogène peut-il constituer une réponse à court ou long terme ? Nous en avons discuté librement avec Nicolas Mizzi, cofondateur d’ENERALYS.
De quoi parle-t-on lorsque l’on parle de stockage hydrogène ?

L’hydrogène en soi est un média qui véhicule de l’énergie. Comparé à d’autres éléments chimiques, l’hydrogène offre dans des conditions maîtrisées et flexibles, la capacité à créer un courant électrique lorsqu’il est recombiné avec de l’oxygène. L’hydrogène est produit principalement par vaporeformage du gaz méthane, et de manière plus marginale par électrolyse de l’eau qui est le procédé favorisé aujourd’hui par les énergies renouvelables. Une fois produit, cet hydrogène – par nature très volatil et ayant une densité volumique très faible – doit être compressé pour que la densité d’énergie rapportée à un certain volume fasse sens. Ensuite, on peut produire l’électricité par électrolyse inverse de l’hydrogène (par ce que l’on appelle communément une pile à combustible) et qui recombiné avec l’oxygène devient de l’eau ce qui s’exprime par la formule H2 + 2O2 = 2 H2O. C’est ainsi que l’hydrogène peut être utilisé pour stocker de l’électricité.

Comment évaluer la rentabilité de cette solution de stockage par hydrogène ?  

Compte tenu des lois thermodynamiques, restituer un 1kWh d’électricité à partir du processus complexe qui utilise l’hydrogène comme vecteur de conservation (électrolyse, compression, décompression, électrolyse inverse) n’est pas des plus performants. Le rendement de ce cycle kWh à kWh est de l’ordre de 35%. C’est pourquoi compte tenu des conditions du marché de l’électricité, il n’est actuellement pas rentable d’utiliser l’hydrogène pour stocker l’énergie intermittente et équilibrer le réseau. Et ce d’autant plus qu’aux coûts des pertes dues au rendement, il faut ajouter le coût d’amortissement des matériels. Le stockage électrique par batterie est nettement plus performant : une batterie neuve restitue 93 à 95% de l’électricité stockée et même si au bout de quelques années ce taux baisse à 40%, il reste toujours supérieur à la performance du rendement du stockage par l’hydrogène. Certains parleront évidemment du coût carbone élevé et des problématiques de recyclage plus importants pour les batteries que pour le stockage par l’hydrogène, mais ceci est un autre sujet.

N’existe-t-il aucun cas d’usage pour lequel le stockage par hydrogène serait économiquement pertinent ?

L’hydrogène comme stockage de l’intermittence photovoltaïque pour assurer une restitution de kWh n’est valide que dans des cas très spécifiques, principalement pour les sites isolés. Les agglomérations non raccordables au réseau électrique sont alimentées par des groupes électrogènes dont le fuel est transporté par bateau et/ou hélicoptère ce qui génère un coût du kWh démesuré. Ici, une solution qui combine panneaux photovoltaïques et stockage de l’énergie intermittente est économiquement compétitive si le potentiel solaire est suffisant, d’autant que les panneaux solaires ont maintenant une durée de vie d’au moins 20 à 30 ans.

Sous certaines conditions, l’usage de la solution de stockage par hydrogène est plus adapté comparativement à celle de l’électrique. Ce sont les sites difficilement accessibles et qui requièrent une forte capacité de stockage, pour lesquels le coût cumulé de l’installation et du remplacement régulier des packs de batteries sur une durée de 20 ans est plus onéreux que celui de la solution hydrogène dont le pack est plus léger et n’a besoin que d’une maintenance légère (communes non raccordées sur l’Ile de Réunion et à Wallis et Futuna). Les autres cas sont liés à des conditions opérationnelles qui requièrent une forte densité énergétique et une absence totale de rejets polluants. En résumé, ces cas sont très peu nombreux.

Peut-on imaginer pour demain d’autres solutions plus généralisables ?

Quelques-unes émergent. Si l’hydrogène n’a pas à être compressé, le coût du cycle est réduit. C’est le cas du stockage de l’hydrogène en cavités salines, des cavités artificielles creusées dans des dépôts géologiques de sel. ENGIE et TOTAL ENERGIES utilisent cette technologie pour le stockage par hydrogène de l’énergie intermittente sur le site de MANOSQUE qui va alimenter la partie sud-est de la côte d’Azur. Les chiffres sont plutôt concluants mais ces cavités sont rares.

Votre conclusion sur le stockage par hydrogène ?

L’hydrogène ne fera probablement pas partie du mix de stockage intermittent. Une condition, et une seule à mon avis, pourrait changer la donne : l’entrée en vigueur de nouvelles règlementations, comme des pénalités sur l’électricité qui passe par un cycle batterie pour prendre en compte le coût carbone et l’impact écologique. C’est pour cela que la question du stockage doit être formulée en fonction du contexte. Si demain ou après-demain plus aucune énergie fossile n’est disponible, là il faudra bien utiliser les moyens existants pour gérer l’intermittence : la conservation par gravité, l’hydraulique (le meilleur rendement avec le plus faible coût carbone) etc. En résumé, mes réponses à la question que vous posez seront différentes si on change de paradigme.

C’est d’ailleurs ce qui se passe pour l’hydrogène vert dont les usages se développent uniquement parce que la loi est très incitative : produire 1 kg d’hydrogène par vaporeformage de gaz naturel revient entre 1 et 1,5 euros du kg (hydrogène gris) et émet plus de 9kg de CO2, contre 4 à 6 euros pour 1kg d’hydrogène produit par énergie renouvelable avec un poids carbone inférieur à 3 kg. Les pouvoirs publics exigeant la réduction du poids carbone, les industriels n’ont d’autre choix que de progressivement inclure de l’hydrogène produit avec un faible taux de carbone même s’il est beaucoup plus cher, soit en substitution à l’hydrogène gris déjà utilisé, soit en remplacement des énergies fossiles. Mais sans cette obligation, le feraient-ils ?

En dehors du photovoltaïque, pourquoi évoque-t-on l’hydrogène dans le secteur de la mobilité lourde ?

La densité énergétique d’une batterie se situe aux alentours de 200 Wh par kg, contre 33.000 Wh par kg pour l’hydrogène. Une Tesla modèle S par exemple a 95 kWh de capacité stockée dans ses 600 kg de batterie. Pour un véhicule à hydrogène, la même capacité nécessite 3 kg d’hydrogène compressés à 700 bars qui occupent un volume inférieur au 600 kg de batterie de la Tesla, pour une centaine de kg réservoir compris. Donc que ce soit à masse ou à volume occupé équivalent, la capacité énergétique stockée par l’hydrogène est très supérieure à celle de la batterie. L’hydrogène représente donc un choix pertinent dans le secteur de la mobilité lourde, en particulier pour les trajets longs nécessitant une importante capacité embarquée, et lorsqu’il n’y a pas de problème d’encombrement pour un réservoir de forte capacité, comme c’est le cas pour un camion et plus encore pour un train.

Merci M. Mizzi. Pour terminer, pouvez-vous nous en dire plus sur Eneralys ?

Il y a un an, avec Franck Berger nous avons décidé de nous lancer dans la transition énergétique en capitalisant sur nos parcours : Franck vient de l’IT et du Digital et j’étais pour ma part consultant spécialisé en conduite opérationnelle de changements stratégiques d’entreprises. Mandatés pour aider un projet solaire à trouver son équilibre économique, nous avons démontré que le meilleur scénario de valorisation des kWh était celui de la production l’hydrogène vert à destination de la mobilité. Ce projet nous a tellement passionnés que nous avons créé ENERALYS autour de l’idée de valoriser le potentiel des ENR et de leur fournir un débouché à travers la production d’hydrogène.

Le cœur de métier d’ENERALYS est donc de déployer, dans les zones géographiques hors des grands bassins industriels, des écosystèmes autour de sites de production d’hydrogène vert servant les usages en mobilités intensives dans une zone de 100 à 150 km de rayon.

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